La récente proposition de la ZIV – association allemande de l’industrie des deux-roues – de durcir la réglementation sur la puissance des moteurs de vélos à assistance électrique (VAE) a jeté un pavé dans la mare de la filière vélo. L’idée ? Limiter l’assistance à un ratio de 1:4 et plafonner la puissance maximale à 750 W, là où aujourd’hui, seule la puissance nominale de 250 W est officiellement encadrée.
Derrière ce débat technique, un soupçon pèse lourdement : Bosch, leader incontesté du marché européen, serait-il le véritable instigateur de cette évolution, dans l’unique but de préserver sa position dominante ?
La controverse est vive. Annick Roetynck, directrice de l’association LEVA-EU, dénonce sans détour un « protectionnisme » et une « véritable protection » des intérêts de Bosch, qui n’offre aucun moteur dépassant les 750 W en pointe dans son catalogue. Selon elle, la proposition du ZIV pourrait freiner l’innovation et l’essor de modèles plus puissants, notamment les vélos cargo dédiés à la logistique urbaine ou au transport familial, mais aussi pénaliser les personnes à mobilité réduite ou celles qui peinent à fournir un effort suffisant.
Hannes Neupert, figure historique du secteur, va plus loin : il accuse Bosch de chercher à « disqualifier tous les autres » par des manœuvres réglementaires, afin de compenser un retard supposé dans l’innovation moteur.
Du côté du ZIV, on tente tant bien que mal de calmer le jeu. L’association insiste sur la nécessité de préserver le caractère cycliste du VAE, d’éviter l’assimilation aux cyclomoteurs et de garantir la sécurité des usagers. Tim Salatzki, directeur technique, rappelle que la position défendue est le fruit d’un travail collectif impliquant plus de 140 membres, Bosch n’étant qu’un parmi d’autres.
Pour le ZIV et CONEBI, limiter la puissance du moteur permet de conserver le statut juridique du VAE comme simple bicyclette, évitant ainsi l’obligation d’immatriculation, d’assurance ou de permis, qui s’appliqueraient à des véhicules motorisés plus puissants.
La filière vélo, dans son ensemble, est donc tiraillée. D’un côté, les industriels majeurs et leurs fédérations défendent une réglementation stricte pour garantir la sécurité, la stabilité du marché et la classification actuelle du VAE. De l’autre, des voix critiques, issues notamment des associations de défense des véhicules légers électriques et des acteurs innovants, dénoncent ni plus ni moins, une tentative de verrouillage du marché, au détriment de l’innovation, de l’accessibilité et de la diversité des usages. La question dépasse la simple querelle d’experts : c’est l’avenir même de la mobilité douce en Europe qui se joue dans ce débat.
En toile de fond, la puissance de Bosch sur le marché européen des moteurs de VAE reste un sujet sensible. Si la réglementation proposée n’est pas explicitement dictée par le géant allemand, il est difficile d’ignorer la convergence entre ses offres et les limites suggérées. La diversité des acteurs, l’innovation continue et la vigilance des pouvoirs publics et des associations peuvent limiter les effets d’une domination excessive de Bosch. Toutefois, la pression réglementaire et l’intégration technologique pourraient, si elles ne sont pas accompagnées d’une réelle ouverture, favoriser une concentration du marché autour du géant allemand.
La révision à venir du cadre réglementaire européen sur les véhicules électriques légers pourrait donc cristalliser ces tensions, au risque de freiner l’évolution du secteur et de limiter l’accès à des solutions innovantes pour des usages spécifiques ou des publics fragilisés.
La filière vélo semble donc hésiter entre la nécessité de garantir la sécurité et la stabilité du marché, et la volonté de ne pas sacrifier l’innovation et l’inclusivité sur l’autel du protectionnisme industriel. Un équilibre délicat, qui pourrait bien déterminer la place du vélo à assistance électrique dans la mobilité de demain.